Originally published in The Clarinet 51/2 (March 2024).
Copies of The Clarinet are available for ICA members.
The Clarinet Choir
by Margaret Thornhill
An Interview with Alexis Ciesla
French Version
Un entretien avec Alexis Ciesla
by Margaret Thornhill
Le clarinettiste et compositeur Alexis Ciesla est professeur de clarinette au Conservatoire à Rayonnement Communal de Saint-Priest, commune dans la Métropole de Lyon en région Auvergne-Rhône-Alpes dans le sud-est de la France. Alexis a fait ses études de clarinette à Lyon, Genève et Paris où il a obtenu un premier prix de clarinette et de clarinette basse. En parallèle, il a été clarinettiste à l’Orchestre Français des Jeunes et soliste à l’Orchestre Mondial des Jeunesses Musicales. Attiré par la pédagogie, il a obtenu le Diplôme d’Etat ainsi que le Certificat d’Aptitudes et enseigne au Conservatoire de Saint-Priest depuis 1992. Il a participé à de nombreux projets de musique de chambre et d’orchestre, et a écrit des ouvrages pédagogiques, pièces pour orchestre, pour ensembles de clarinettes, théâtre musical et pour de nombreux solistes. Ses compositions sont publiées par Robert Martin, Da Camera, Advance Music, Billaudot, IMD et autres. Passionné par les musiques improvisées et traditionnelles, il a fondé le Doumka Clarinet Ensemble avec lequel il a enregistré quatre albums salués par la critique. En janvier 2024, Alexis a été élu co-président (avec Sylvie Hue) de la nouvelle Association Française de la Clarinette.
En décembre 2023, nous avons eu un entretien sur sa vie et son œuvre :
MARGARET THORNHILL : Alexis, vous êtes un compositeur prolifique ! Je possède plusieurs de vos œuvres publiées par Advance Music (Klezmer Suite, Seven Sparks, Concerto for Clarinets, le quatuor Tarnov Suite) mais jusqu’à ce que je commence à écouter votre chaîne YouTube, je n’avais absolument aucune idée de la variété des œuvres que vous aviez pu écrire pour le Sandnes Klarinettkor (Norvège), l’Ensemble Calamus (Italie), les Clarinettistes du Finistère Nord, le Chœur de Clarinettes de Colmar, les Langues de Bois, et le Collectif de clarinettistes du Rhône !
Comment les lecteurs intéressés peuvent-ils se procurer les partitions des certaines de ces pièces inédites?
ALEXIS CIESLA : Je suis en train de réaliser un website qui répertoriera (premier trimestre 2024) toutes mes musiques, avec pour chacune, ses caractéristiques, de quoi les écouter, comment se les procurer etc…
Effectivement, toutes mes musiques ne sont pas éditées. Les éditeurs doivent faire des choix et c’est compréhensible, certaines musiques ne seraient que peu vendues si elles étaient éditées. Pour d’autres, je trouve cela dommage, mais je ne perds pas espoir de trouver des moyens de diffusion !
Vous m’avez proposé, Margaret, une liste de pièces, voilà où elles en sont :
Thessalonique-Istanbul (pour chœur de clarinettes ou saxophones) est une pièce toute récente, j’ai bon espoir d’édition.
Breizh’Mer Variations pour chœur de clarinettes est une pièce plus difficile à proposer à un éditeur, car elle est assez spécifique dans son contenu. C’est le cas aussi de
Indrahanush (pour chœur de clarinettes et musiciens indiens) et Décisif (pour chœur de clarinettes et accordéon).
Orient express ! (Pour chœur de clarinettes et deux clarinettes solistes) va être édité aux Editions Robert Martin prochainement.
Le Bal Russe (pour quintette à vent et chœur de clarinettes) est une belle pièce et je vais faire le nécessaire !
Bublitchki est déjà édité : https://www.edrmartin.com/fr/partition-ebony-quartets-vol-2-pour-quatuor-de-clarinettes-de-alexis-ciesla-pour-clarinette-34875.html
Plitsch-Platsch (pour quintette de clarinettes ou chœur de clarinettes) fait partie des pièces que j’envoie directement aux personnes qui me le demandent !
MT : J’admire beaucoup votre jeu de clarinette ! Vous avez reçu une formation classique, mais vous avez une connaissance approfondie du klezmer, des Balkans et d’autres styles orientaux (turcs, indiens…). Comment avez-vous appris ces styles musicaux et quand avez-vous commencé à jouer et à composer dans ces styles ?
AC : J’ai eu une formation très classique avec mes professeurs en effet. Mais très peu de temps après la fin de mes études, j’ai commencé à m’intéresser de plus près à toutes sortes de musiques, musiques où la clarinette était présente. La musique klezmer fait partie de celles-ci, au même titre que le jazz, les musiques traditionnelles d’Europe centrale ou les musiques improvisées.
J’ai rapidement compris que ma curiosité et mon appétit de découvrir ne me permettrait pas un approfondissement de chacune. J’ai donc pris le parti de jouer et écrire ma propre musique, tout en cherchant librement l’inspiration dans toutes ces influences.
Il est sûr que mes 15 années passées au sein du Doumka Clarinet Ensemble (1995-2010) ont été un laboratoire incroyable pour la découverte de ces musiques, l’apprentissage de certaines de celles-ci et j’ai surtout pris conscience que je pouvais composer moi-même de la musique, alors que je suis un pur autodidacte.
MT: J’ai écouté de nombreux morceaux de Doumka, l’inventivité et la variété de la musique sont stupéfiantes. La combinaison de trois clarinettes avec des percussions (souvent moyen-orientales) est un choix inhabituel mais qui fonctionne vraiment. Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette instrumentation ?
AC : La fin de mes études classiques et la découverte des musiques traditionnelles d’Europe de l’Est et klezmer etc… s’est traduit par l’envie d’ouvrir mon répertoire, et l’amitié avec deux autres clarinettistes partageant le même profil (Hervé Bouchardy et Franck René) ont fait le reste.
Nous avons réalisé quatre disques dans des formules où les trois clarinettistes, pouvant jouer clarinette mib, sib, alto et basse, se sont tour à tour associés à l’accordéon, aux percussions orientales, à la batterie et à la contrebasse.
Au départ, l’accordéon nous a apporté la couleur “trad”, c’est que nous cherchions. Mais assez rapidement, nous avons mis de côté cet instrument, ne gardant que la percussion (Tof, Zarb, Bendir…). Cela nous a ainsi permis de ne pas nous enfermer dans une esthétique trop clairement identifiable.
MT : L’album La Coquille et le Clergyman est un peu hors norme ; un site web (Cezanne) le qualifie de “sans frontières” !
AC : Après l’album Café Rembrandt, nous avons effectivement travaillé sur un projet de ciné-concert autour de films du courant surréaliste, l’album La Coquille et le Clergyman qui en a résulté est en effet une forme d’OVNI, mais cela est le reflet des films de Germaine Dulac…il y a de la folie dans ces films-là ! Par la suite, nous sommes allés vers une esthétique un peu plus jazz, avec l’ajout de la contrebasse et de la batterie pour l’album Afar, et c’est cet album qui a déterminé définitivement mon envie de passer du côté de la composition plutôt que celui du jeu.
Chacun de ces quatre enregistrements, ainsi que d’autres projets, dont un avec orchestre symphonique et une chanteuse Yéménite ont donné lieu à des concerts et des tournées bien entendu.
MT : En regardant vos publications et votre production vidéo, j’admire vraiment la façon dont votre vie musicale est si intégrée. Vos activités de composition, d’enseignement et d’interprétation semblent se nourrir l’une l’autre.
AC: J’avoue que ma vie est, en général, très musicale ! Elle est riche de trois axes qui ne vont pas l’un sans l’autre. Après un passage par l’Orchestre Mondial des Jeunesses Musicales et l’Orchestre Français des Jeunes, je suis passé à deux doigts d’intégrer l’Orchestre de chambre de Lausanne (Suisse), ce fut une réelle déception sur le moment. Mais par la suite, j’ai pu mesurer les valeurs positives que m’ont apportées la combinaison des concerts, de l’enseignement et de la composition. Et effectivement, ces trois disciplines se nourrissent les unes les autres.
MT : Vous écrivez de la musique délicieuse à interpréter pour et avec vos étudiants – les études en duo, par exemple – et des concerts où vous êtes à l’honneur mais qui incluent vos élèves du conservatoire (comme le concert « Carte Blanche » en 2019). L’enseignement par l’exemple est-il un élément important de votre pédagogie ?
AC : Je suis passionné depuis plus de 35 ans par l’enseignement, et peu importe le niveau de mes élèves. C’est un challenge incroyable que de transmettre sa passion, la musique, les joies de la clarinette. J’essaie d’être le plus ouvert aux esthétiques, aux différents compositeurs, mais il est vrai que ma classe de clarinette est un extraordinaire terrain d’expérimentations !
Il me manque une partition pour un effectif particulier ? Elle doit manquer à d’autres professeurs également, non ? Alors j’écris pour ce duo, ce quatuor, cet élève, ma classe toute entière… et je trouve vraiment intéressant que d’autres clarinettistes puissent en profiter !
Il est aussi important que nos élèves nous voient en situation de jeu, je les invite à mes concerts, et quand c’est possible, nous nous produisons sur la même scène, à égalité. Et la pédagogie par l’exemple se poursuit en emmenant mes élèves au concert. Nous sommes allés voir Yom, Martin Fröst, David Krakauer, Giora Feidman, Philippe Berrod, Shirley Brill bientôt, etc… et à chaque fois, ce sont des leçons de musique, des questionnements, de l’émerveillement, de la curiosité qui vont nourrir l’envie de mes élèves.
MT : Vous avez créé plusieurs pièces de théâtre musical qui incluent ensembles de clarinettes, parole, chant et mise en scène, et dont l’histoire est importante sur le plan social : “Loin du Garbo” traite littéralement de l’exil ; “Halb, l’autre moitié” de la transmission ; et “ Quand Malka rêvait,” avec texte, chant, orchestre et éléments chorégraphiques traite d’une famille juive, avec trop d’enfants et trop peu d’argent. Cela se passe dans un village polonais, il y a longtemps, en se base sur un conte folklorique yiddish “ça pourrait être pire”. Comment s’est déroulée votre collaboration à ces productions ?
AC : Au départ, il y a toujours un besoin, une envie, une idée de collaboration. Halb, l’autre moitié est un très bon exemple…Je vous raconte ?
Il y a de cela quelques années, j’ai cherché assez vainement un conte musical pour ma classe de clarinette. J’ai trouvé quelques contes, mais rien qui me satisfasse réellement. Me sentant suffisamment armé pour composer, j’ai décidé d’écrire moi-même un conte. Je me suis rapproché d’une amie auteur, Sigrid Baffert, avec qui je collabore désormais systématiquement quand il s’agit d’écrire des textes (chacun son métier !). Je lui ai fixé un cahier des charges et elle s’est mise à écrire un texte sur mesure. Il fallait notamment que la clarinette soit bien présente dans l’histoire ! Ensuite, c’est moi qui ai pris le relais en mettant son texte en musique. Et puis, dans un second temps, nous avons joué au jeu du “ping-pong créatif” ! A tour de rôle, nous avons fait avancer le projet.
C’est devenu :
- un conte pour classe de clarinette
- un conte plus ambitieux, avec du chant, des chœurs
- un spectacle avec mes collègues professeur du conservatoire
- un livre-disque qui a reçu des prix
- un spectacle professionnel…
C’est aussi le cas pour Loin de Garbo, commande de la compagnie qui a repris Halb, et de Quand Malka rêvait, commande de trois conservatoires du sud-ouest de la France. Dans ce cas de figure, je suis essentiellement parti de contes et musiques existant déjà, conte yiddish et musiques klezmer, et je les ai arrangés pour en faire un spectacle joyeux, vivifiant, burlesque et plein de malice.
A chaque fois, j’essaie de respecter les envies, les niveaux des musiciens, les attentes de toutes et tous.
Par exemple, Halb s’adresse à des élèves de second cycle alors que Quand Malka rêvait concerne tous les clarinettistes, qu’ils soient débutants ou en troisième cycle.
MT : Quel est votre prochain projet ?
AC : Je travaille actuellement sur plusieurs projets :
- Le recueil New Klezmers, 10 pièces de musique klezmer pour la clarinette “à ma façon,” avec accompagnement de piano, contrebasse, percussion, oud, pour le second cycle. Il sera édité également pour saxophone, flûte, hautbois etc…
- Un spectacle Les Bois font leurs jeux pour un conservatoire autour de la thématique du sport, pour tous les instruments de la famille des Bois.
- De la Terre …à la Mer pièce pour chœur de clarinettes, contrebasses et percussions.
- Une Rhapsodie pour saxophone alto et quintette à cordes, pour la finale d’un concours international de saxophone en France.
- Peut-être un concerto pour clarinette…
Pour plus d’informations, consultez l’article Wikipédia sur Alexis Ciesla ainsi que son site Internet.
Margaret Thornhill, DMA, has written a column about clarinet choirs for The Clarinet since 2007. She is a performer and private teacher based in Los Angeles where she conducts the Los Angeles Clarinet Choir and is currently an adjunct professor of clarinet at Claremont Graduate University. Contact her with news about your clarinet choirs and their repertoire via her website, MargaretThornhill.com.
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